A peine arrivée à Jodhpur (mi février 2015), j’apprends, grâce à notre coach en photographie, qu’il existe une école de peinture miniature à 800m de notre logement !
Ni une ni deux, je file à la rencontre de Vijay Prajapat, artiste et professeur de l’Umaid Heritage art school.
Mais au fait,
Petit historique :
L’art indien s’est surtout exprimé dans la peinture murale, puis dans la miniature.
Au Rajasthan, la miniature se développa du XIe au XVIe siècle.
Les thèmes de la peinture Rajput ont beaucoup évoqué les mythologies sacrés hindoues :
les 2 épopées du Ramayana et du Mahabharata,
la Gita govinda ou la vie de Krishna
le Ragamala "Guirlande des modes musicaux" (émotions associées à la musique)
les Baramasa ou la représentation des 12 mois de l’année
le Nayika nayaka "l’héroîne et le héros" (description des états amoureux dans la littérature)
Avec l’invasion Moghole, les écoles Rajasthani se sont vu dotées d’influences persanes avec de nouveaux sujets à aborder, tels que des portraits des mécènes et Maharajas, des scènes de la vie de la cour, de la vie sauvage, de la chasse, et des batailles.
Et c’est avec ce règne Moghol, à la cour d’Akbar que la miniature atteind son apogée.
Akbar, connu pour sa grande tolérance religieuse fera venir tous les grands artistes dans son royaume : persans, indiens, et même occidentaux.
Chaque royaume du Rajasthan a son école de miniature et affirme son style.
On garde en tête celle de Mewar, Bûndî, Kota, Jaipur, Bikaner, Kishangarh et Jodhpur.
Il existe également l’école Pahari, des anciens royaumes rajputs, dans les contreforts de l’Himalaya.
A la fin du XIXe siècles, l’apparition de la photographie ( et donc du portrait photo) remplace évidemment très vite les miniatures, et les écoles disparaissent peu à peu.
Vijay a commencé de peindre à l’âge de 7 ans.
Mais son père n’était pas d’accord qu’il en fasse son métier, ce fut son grand père qui le poussa à continuer de peindre et qui l’envoya dans une école.
C’est comme ça que plus tard, Vijay créé son école de peinture ouverte à tous, ainsi qu’aux enfants de Jodphur.
On peut venir y apprendre à peindre et le plus fou c’est que c’est gratuit (difficile à croire, quand on voyage en Asie).
L’école fournit papier, peinture et pinceaux pour le cours.
On peut laisser ses peintures à l’école ou les ramener chez-soi.
Et lorsque quelqu’un achète l’oeuvre d’un élève, 70% de la recette sont reversées à son auteur et 30% reviennent à l’école pour continuer de payer les fournitures.
Je suis émerveillée ! Ces peintures sont tellement fines et précises. Je peux rester des heures à regarder une petite image de la taille d’une carte de visite.
D’anciens papiers avec des tampons officiels de la poste, sont recyclés comme supports, mais il faut savoir qu’au tout début, on utilisait des feuilles de palme !
Un exemple de scène avec Radha et Krishna
On peut voir le souci du détail et de la décoration. Chaque feuille d’arbres est peinte, chaque brindille, chaque détail des bijoux !
D’autres petites miniatures sont peintes sur un support en polycarbonate. Ce qui permet, grâce à la lumière, de voir par transparence les fins traits de pinceaux !
Auparavant, on utilisait de la poudre d’os de chameaux pour fabriquer ces supports !
D’encore plus près !
C’est impressionnant de voir peintes d’aussi minces lignes, comme les rideaux ou les motifs des parures et saris !
Comparé à la taille de la punaise qui accroche cette miniature, c’est fou !
Dans ces détails d’une scène de Radha et Krishna, le sari de Radha se compose d’une trentaine de motifs de paons détaillés précisément un par un. Les bijoux sont agrémentés de vraies petites perles pour donner encore plus de relief à l’image.
Un autre trèèès long travail de minutie est cette imposante oeuvre. On peut dire que c’est le masterpiece de Vijay ! Ce tableau mesure 2m de long, en motifs miniatures !
Et puis, j’ai eu un coup de coeur en arrivant la premiere fois dans l’atelier, avec ces 2 éléphants.
Ne cherchez plus celui de droite si vous passez à l’atelier, je n’ai pas résisté à me l’offrir en souvenir... « mon précieuuuuux » ...
Mais ce qui fait la particularité de Vijay, c’est qu’il est maître dans l’art de peindre sur des LENTILLES ! Genre des petites graines quoi !
J’ai eu droit à un MINI éléphant avec mon prénom dessus !
C’est si minuscule que même mon appareil photo fut incapable d’y faire la mise au point.
Les couleurs :
Elles sont toutes naturelles et proviennent de poudre de pierres. On les mélange avec de la gomme arabique pour lier le tout. On utilise même parfois de la poudre d’or et d’argent.
Le côté pratique, c’est que les peintures se conservent très bien sèches. Il suffit de rajouter de l’eau et c’est reparti pour la peinture de miniatures à foison !
Les pinceaux :
Ils sont à manipuler avec soin, car confectionnés à partir de poils de queue d’écureuil... Heureusement ce procédé est réglementé et autorisé seulement pour les écoles de peintures renommées.
J’avais coutume de peindre avec des poils de martre avant.. je ressens bien la différence par rapport à des poils synthétiques.. Les poils d’animaux c’est doux, précis, fins et ça reste ensemble.
Je me suis quand-même demandée pourquoi on n’utilisait pas de cheveux humains par exemple..?
Et bien, figurez vous que l’on aurait retrouvé d’anciens et rares pinceaux chinois, composés de poils noirs, très doux et très soyeux... C’était semble t-il des cheveux de nouveaux-nés, pris de leur première coupe !
Les palettes :
On recycle, avec de vieux disques vinyl Bollywood (peut être même des collectors ! qui sait ?)
Et puis, enfin, ça a été à mon tour d’essayer
Sur une feuille de papier blanc épaisse, Vijay me montre comment procéder :
faire un carré de 10 cm pour délimiter son dessin, puis refaire un carré de 8 cm à l’intérieur : voilà nous avons un cadre.
j’esquisse mon éléphant avec tous les détails. Vijay est content, je suis rapide ; On parle certes pas la même langue, mais on a le même langage, vu que l’on vit de la même passion tous les deux : l’art.
au pinceau très fin, je reprends les contours et ce n’est pas aussi simple que je le pensais... Concentration maximale !
Avec un pinceau plus épais je peux remplir mon éléphant, puis petit à petit rajouter les détails.
Ce premier essai me prend 2 jours, car il ne faut pas passer plus de 2h sur un même travail tellement c’est minutieux et épuisant pour l’oeil.
Je reste sceptique sur mon résultat, et Vijay m’a aidée à refaire l’œil de mon éléphant qui était tout tordu.
Par la suite, je suis venue presque tous les jours pour continuer à m’exercer, pendant les 15 jours où nous étions à Jodhpur.
Pour remercier Vijay de ces bons moments passés ensemble, je lui ai offert une petite carte souvenir en cadeau, pas en miniature cette fois !
Pour votre plus grand plaisir :
>le site de Umaid heritage art school
>La page Facebook de l’école
La prochaine fois, je parlerai du Mehendi, soit la teinture au Henné.