Delphine ne connaissant pas ce genre de structure et moi ne connaissant que des entreprises écrasant entre 2 000 ou 40 000 tonnes de blé par an, la perspective de ce reportage fut l’occasion de découvrir un lieu d’ampleur où 240 employés œuvrent.
Les Grands Moulins d’Abidjan (GMA) ont été créés en 1963 peu après l’indépendance du pays.
Poster d’époque
Dès leur création, les impressionnants silos des GMA ont été construits pour accueillir une capacité de 30 000 tonnes de blé.
La forme caractéristique du bâtiment a dès-lors constitué un point de repère d’Abidjan et de la lagune d’Ebrié.
Aujourd’hui, les GMA écrasent 300 000 tonnes de blé par an et représentent un atout économique pour la région et le pays, avec un chiffre d’affaire de 50 milliards de francs CFA, soit 75 millions d’Euros.
La force de l’entreprise a été depuis sa création, de ne jamais renoncer à se moderniser constamment.
Ici le blé arrive par voie maritime. Ce long tapis roulant couvert permet de décharger rapidement les 15 000 tonnes d’arrivage réguliers en grains.
L’essentiel de la matière première provient du Canada et des USA (blés dits "Strongs", à forte teneur en gluten), pour être mélangés avec les blés français moins riches après écrasements.
La suite du process’ reste néanmoins tout à fait similaire dans le cas de fabrication industrielle de farine : le blé est stocké dans les silos et maintenu à un taux d’humidité idéal de 13,5%. Trop d’humidité pourrait engendrer la germination ou l’apparition de microorganismes fongiques ou de fermentation.
Lorsque l’unité de production le réclame, le blé est acheminé vers les machines. Tout d’abord il est lavé et nettoyé de toutes impuretés, à l’aide de tamis dans lesquels les grains sont reconnus par leur forme et leur poids. Ce sont des nettoyeurs.
Ici c’est un principe de vannage automatique par vibration qui est mis en oeuvre.
Un aimant se charge aussi de sortir tout éventuel micro-élément métallique. Sans parler du risque alimentaire, il s’agit déjà de lutter contre tout risque d’incendie, car la farine est extrêmement inflammable. La moindre étincelle due à la présence d’un corps métallique dans les meules pourrait générer une propagation à tous les niveaux très rapidement.
Et pour cause, l’acheminement du blé et de ses dérivés se fait de manière extrêmement rapide à l’aide de tuyaux d’aspiration très puissants à travers toute l’usine.
Le blé brut lavé, encore assez mouillé est laissé au repos dans des boisseaux à blé propre 24 ou 48 heures, le temps qu’il s’attendrisse afin de ménager et faciliter la première mouture.
Il y a 8 étages dans le bâtiment avec chacun une spécialisation. Mais même avec un schéma intrinsèque au bâtiment, il est difficile de bien suivre les allées et venues des produits dans les tuyaux qui voyagent d’un étage à l’autre sans cesse de manière à optimiser le traitement.
Le blé brut propre est passé à de multiples reprises entre des cylindres (qui remplacent les anciennes meules de pierre) en inox à cannelures successivement de moins en moins épaisses, pour séparer l’amande de blé, de son enveloppe le son.
A chaque passage des tamis superposés et très précis qu’on appelle des planchisters, séparent les sous-produits par taille.
Planchisters : grosses cabines à mouvement rotatif, équipées de séries de tamis
C’est ainsi que le son est totalement séparé de la semoule de blé. Une partie de produits plus grossiers est déjà récoltée, telle que le son fin, le remoulage (gros son) et diverses tailles de semoules, et une farine non raffinée qu’on appelle la farine de broyage. A chaque produit , son tuyau !
La semoule de blé passe dans des cylindres plus fins et lisses cette fois (non cannelés) pour une réduction en fines particules. On récupère une farine peu raffinée qu’on appelle la farine de claquage.
Les fines particules de blé passent dans des cylindres encore plus fins et également lisses pour devenir de la poudre fine, c’est la farine de convertissage.
Cette étape comprend aussi l’assemblage des différents sous-produits (farine de broyage, farine de claquage et farine de convertissage, son, remoulage, semoule fine), selon les lignes de produit du moulin avant l’ensachage.
C’est aussi à cette occasion que peuvent être rajoutés de la protéine végétale ou de l’acide ascorbique (vitamine C de synthèse) pour répondre à la demande majoritaire des boulangers en farine améliorée.
Les GMA ont une capacité d’écrasement de 1300 tonnes/ jour !
Comme toute meunerie de cette envergure qui se respecte, les GMA disposent d’un laboratoire de test.
Une série de tests détermine à chaque mouture la teneur de chaque lot de blé, ce qui permet de faire des assemblages pour garder une constance des propriété de la farine à travers les lots utilisés.
Une cellule de panification permet de valider ces tests et en outre de former les boulangers à l’usage de ces farines sur des modules de deux semaines.
70% de la production constitue l’approvisionnement national alors que le reste est exporté vers le Burkina Faso. L’essentiel de la prod’ vise le marché local pour la production de pain qui reste stable d’années en années en Côte d’Ivoire, alors qu’une demande croissante de près de 20% provient des "mamans beignets" qui vendent des gâteaux frits.
Les GMA ne livrent que très peu, du fait de l’incertitude des coûts liés aux transports en Afrique. Mais la clientèle s’en accommode parfaitement, préférant bénéficier des tarifs de la farine, qui ne sont pas tributaires de ces aléas.
Merci à Mr Jacquet, Directeur industriel du site, de nous avoir ouvert les portes de ce lieu impressionnant.
Il nous réserve une surprise afin de couronner la visite. Des toits des Grands Moulins, on peut observer l’étendue du bâtiment, de la zone industrielle, mais surtout toute une partie d’Abidjan au moment du coucher de soleil !
Ce fût d’autant plus appréciable que c’était juste quelques heures avant notre départ de Côte d’ivoire.