Interview avec Thierry Chantegret - lors d’un workshop photo qu’il anime, en Inde.
Ce fut une aubaine pour nous de participer au workshop photo de Thierry Chantegret, à Jodhpur,
un autoportrait réalisé à Udaïpur en décembre 2008 - portrait intitulé « double je ».
Une aubaine ? En effet, ce baroudeur connaît les lieux comme sa poche. C’est du Rajhastan il y a presque 15 ans, que Thierry est parti, dans l’idée d’initier un travail documentaire d’errance photographique. Son projet « Identité ? » retrace l’origine des peuplades manouches depuis l’exode indienne de l’an mille, jusqu’aux Roms, Tziganes et Gitans d’aujourd’hui, et l’a conduit jusqu’en France en passant par la Turquie, la Roumanie et Auschwitz en Pologne.
Les questions humaines et l’identité sont des thèmes récurrents de son travail, qu’il passe un an dans la Maison d’Arthur Rimbaud à Charleville-Mézières ou plusieurs semaines avec des enfants des rues au Cambodge.
En dehors de ses commandes et travaux personnels, il s’attache à transmettre son expérience… la sensibilité de Thierry se retrouve alors dans sa pédagogie : patience et transmission de sa passion sont constamment présents.
C’est un stage sur 10 journées qui vise à accompagner les participants dans une démarche d’auteur, sur un ou des projet(s) personnel(s).
Exercice sur les vitesses d’obturation du diaphragme de l’appareil photo
Voici comment cela s’est déroulé pour nous :
Nous avons d’abord approfondi nos connaissances techniques et très vite nous avons abordé la composition d’une image forte, l’exercice d’observation en apprenant à identifier des instants de vie. Ce fut aussi la découverte de l’aspect primordial du travail de la photo : l’éditing (la séléction des images).
Illustration Delphine avec Thierry en premier plan.
Après deux jours un rythme s’est installé :
Petit Tchaï chez le marchand de rue du coin
Séance accompagnée le matin
Débriefing en début d’après midi
Séance solo avec directives
Debriefing le soir pendant le repas
Grâce à un suivi personnalisé, nous avons pu développer des techniques adaptées à nos aspirations.
Nous espérions ainsi vous donner, chers lecteurs, une nouvelle expérience de lecture avec des images plus percutantes et plus qualitatives. Serait-ce l’avènement de TATUP version 2.0 ? Vous seuls saurez en juger !
En tous cas pour ceux que ça intéresse, les dates du prochain workshop : du 3 au 12 novembre 2015
Tu as beaucoup voyagé pour la photo. Pourquoi faire les workshop à Jodhpur ? Quelle place l’Inde a t-elle pour toi ?
Depuis mes 9 ans ce pays tient une place particulière dans ma vie. En 1972 un oncle revient d’Inde avec des photos sur diapos et un livre qu’il offre à mes parents. Les diapos m’avaient longtemps fasciné et le livre est toujours dans ma bibliothèque. Il m’a fallu attendre jusqu’en 2001 pour me rendre une première fois en Inde, j’y suis retourné 8 fois depuis.
La place qu’à l’Inde pour moi pourrait se résumer à ces quelques mots : « Je m’y sens bien ».
La photo prise par Thierry à gauche, et à droite la « mise en abîme » par Delphine
Mon premier voyage eut lieu a Jodhpur, j’y ai donc un attachement particulier lié en outre aux relations humaines que j’y ai tissées. D’un point de vue pratique Jodhpur offre des avantages uniques pour y réaliser un workshop : c’est une grande ville mais très vite on peut se retrouver dans une ambiance de « village ». Les thèmes et les possibilités sont variées pour réaliser un travail photographique.
Comment vis-tu les workshop, est-ce aussi intensif pour toi que pour les stagiaires ?
Ça l’est nécessairement. Déjà parce que « j’embarque » avec moi des stagiaires qui pour la plupart ne connaissent pas l’Inde. Ensuite parce que je suis attaché à la réussite d’un travail personnel pour chacun : se dépasser, aller au delà de sa pratique habituelle de la photographie, sortir de sa zone de confort. Aller chercher chez chacun le meilleur qu’il puisse donner est également enrichissant pour moi.
Quel est ton objectif (<- hihi, le jeu de mots) dans le cadre (<- un autre) d’un workshop ?
Trouver les clés, avec mes conseils, pour sortir de la photographie que tout le monde peut faire plus ou moins bien. Et au final, sur 10 jours, être capable de présenter une série d’images cohérente… les premiers pas vers un travail d’auteur, un travail personnel qui diffère de ce que fait tout un chacun. Par ailleurs le but n’est pas de former de futurs photographes, mais d’apporter à des amateurs les moyens d’améliorer leur pratique et développer leur regard.
Comment distinguer la photo amateur de la démarche photographique, à l’heure où tout le monde achète des reflex professionnels ?
Déjà, ce n’est pas l’outil photographique qui compte : c’est le regard, l’approche, le propos. Ce que chacun avec sa personnalité, va être capable de transmettre. En cela, le travail d’un amateur diffère de celui d’un « auteur aguerri », le professionnel… Qui plus est, et c’est primordial, "l’auteur aguerri » est quelqu’un d’engagé…
Quel est ton matériel ? Quel conseil donner à un profane pour acheter son matériel ?
Après avoir utilisé durant des années des Leica, j’utilise à présent des appareils photos Fujifilm hybrides qui sont merveilleux. Comme conseil d’achat : rester simple, savoir ce qui va être utile, ne pas s’embarrasser de multiples optiques pour épater la galerie. Je me souviens de ce qu’à dit un photographe très connu un jour, qui me plait bien : « Dans une foule, on reconnait le photographe des amateurs parceque c’est le seul qui cache son matériel et qui est discret ». Tout est là !
Les questions inévitables, comment es-tu tombé dans la photo et quelles sont les étapes phares de ta carrière ? Peut-on encore vivre de la photo aujourd’hui ?
Mon père a toujours fait de la photographie, passionné d’art Roman et Gothique il répertoriait tout ce qu’il pouvait à travers la France lors de nos vacances, une région par été. Lors de mes premières années je l’aidais à faire ses tirages dans le laboratoire qu’il avait aménagé dans le grenier lorsque nous habitions en Lorraine.C’est comme cela que tout a commencé et ensuite j’ai récupéré un de ses appareils, un Foca télémétrique Bien sûr que l’on peut vivre de la photo et la jeune génération qui utilise à merveille les réseaux sociaux, s’en sort très bien. Après, il y a de multiples directions possibles et ce n’est pas facile pour toutes…par exemple le photojournalisme, pour ne citer que ce cas. Et d’autres qui s’en sortent bien comme les photographes culinaires… Deux univers de la photographie bien différents.
A quel moment est-on considéré comme photographe ?
Quand tu gagnes ta vie avec ta photo et que cela occupe 95 % de ton temps.
Que penses-tu de cette américaine qui nous a dit à Jodhpur « Impossible de rater une photo en Inde » ?
Je ne suis absolument pas d’accord avec cela. Tout le monde revient avec les même images d’Inde, souvent les mêmes « clichés »… Là où je suis très content de mes formations à Jodhpur, c’est que de tous les participants eus, pas un n’a porté le même regard sur cette ville. C’est donc que j’ai su guider chacun vers quelques chose de personnel.
Un conseil pour un jeune photographe ?
Faire des images, travailler, regarder des images… Travailler encore et ne pas se préoccuper de ce que pensent les autres.
Une pensée pour quelqu’un de spécial ?
Oui pour la dernière personne a qui j’ai fait un portrait en Inde… en pensant déjà à la prochaine.
Merci Thierry pour toutes ces réponses
En ce qui nous concerne, nous ne pouvions pas rêver de meilleur accompagnement. Et nous sommes encore reconnaissants de l’implication avec laquelle Thierry a su nous guider !
1975 : premier appareil photo
1983 : première exposition à Perpignan
1985 : arrivée à Paris, assistant de photographes de mode et de publicité
1995 : Premier voyage en Argentine
1997 : une année passée en Argentine, voyage en Patagonie avec un photographe argentin de faune et de flore et collaboration avec une photographe argentine ayant été internée durant la dictature (Travail de mémoire sur les lieux d’internement).
2001 : premier voyage en Inde
2004 : « Je ne fais que passer… » exposé au Festival des Chroniques Nomades et depuis régulièrement en France et à l’étranger
2005 : une année passée en résidence dans la maison d’Arthur Rimbaud pour les 400 ans de la création de Charleville-Mézières
2008 : première exposition en Inde à la Kriti Gallery de Bénarès
2010 : bourse d’aide à la création pour le projet « Identité ? »
2014 : premier workshop en Inde
Photo des TATUP par Thierry dans Jodhpur
Site officiel : thierrychantegret.com
Email : chantegret.thierry@wanadoo.fr
Télephone : + 33 6 83 61 16 77